Musique & Rap
J’savais même pas que c’était du slam
« J’écrivais pour pas exploser. Pour pas devenir fou. Pour respirer, quelque part. » Quand j’ai commencé à écrire, j’avais pas de plan. Pas de rêve de scène. Pas de micro, pas d’instru. J’avais juste des trucs dans le cœur qui voulaient pas rester dedans. Alors j’ai pris un stylo. J’écrivais dans des carnets noirs. Des A5 […]

« J’écrivais pour pas exploser. Pour pas devenir fou. Pour respirer, quelque part. »
Quand j’ai commencé à écrire, j’avais pas de plan. Pas de rêve de scène. Pas de micro, pas d’instru. J’avais juste des trucs dans le cœur qui voulaient pas rester dedans. Alors j’ai pris un stylo.
J’écrivais dans des carnets noirs. Des A5 de 192 pages. Toujours les mêmes. Solides, discrets. J’en avais un dans mon sac, un autre sous mon oreiller, un troisième planqué dans une boite à chaussures. J’écrivais à l’école, au pied de ma tour, en bus, dans les escaliers. J’écrivais quand ça allait mal, surtout.
Y’avait pas toujours de rimes. C’était pas propre. Parfois c’était juste une phrase jetée sur la page comme un coup de poing. Parfois, c’était dix pages sans virgule, comme un cri muet. J’écrivais pas pour que ça plaise. J’écrivais pour pas crever la nuit.
Jusqu’au jour où j’ai entendu Fabien…
Y’avait une vieille télé, un jour où j’étais seul. Ça parlait pas de rap. C’était pas chanté. Mais le gars parlait comme moi j’écrivais.
Il avait une voix grave, il disait des trucs lourds mais posés. Des images fortes. Des métaphores simples et puissantes. J’ai écouté en apnée. J’ai pas su tout de suite comment il s’appelait. J’ai noté une phrase dans un coin de page : « Faut que je trouve qui c’est ».
Plus tard, j’ai su. Grand Corps Malade. Et ce qu’il faisait, ça s’appelait du slam.
J’ai rigolé tout seul. Pas parce que c’était drôle. Parce que j’avais mis un nom sur ce que je faisais depuis des années sans le savoir.
Slamer, c’est pas un choix. C’est un besoin.
J’ai jamais dit « je vais devenir slameur ». J’ai jamais eu de plan de carrière. Moi, j’écrivais parce que si je le faisais pas, je me perdais.
Des gens, plus tard, m’ont dit que c’était beau, que c’était poétique, que j’avais un style. Moi, je savais même pas que ça s’appelait comme ça. Pour moi, c’était juste balancer ma vérité sur du papier, pour pas qu’elle m’étouffe.
Et c’est peut-être ça le plus fort. Quand t’inventes sans savoir que t’es en train de faire de l’art.
Aujourd’hui, j’assume. J’suis slameur. J’suis rappeur. J’suis raconteur de vérités. Mais tout a commencé avec un stylo et un mal de ventre qui voulait sortir autrement que par des larmes.
Et ça, j’le dois à mes cahiers. À mes nuits blanches. Et ouais, aussi un peu à Fabien.